Balade dans le cœur de Mafate
(semi-raid 2009 Jean-Charles BERTRAND)
Intro.
Le week-end du Grand-Raid de la Réunion, arrive à grand pas. Après 5 GRR et un UTMB 2008 où je finis en « poly-tendineux » et qui m’obligera à m’arrêter 6 mois, je ferai cette année, mon premier Semi Raid, histoire de « souffler ». Sans grande ambition. Nouveau parcours cette année avec 78km pour 4600 D+. Ma préparation était bonne jusqu’à ces 2 derniers mois et mon temps prévu de 11h10 est bien loin. Ma vie familiale, dissolue et perturbée, me fait prendre la course avec légèreté et philosophie. Puis les 2 contractures aux quadris, que je traîne depuis 3 semaines, m’annonce rien de bon, malgré les soins de mon kiné. Ils me laisseront tranquille, m’a-t-il dit au début car le muscle sera chaud. Après....
De toute façon, je veux juste finir avant le coucher de soleil soit en moins de 13h et m’amuser. J’ai donné rendez-vous à mes fistons au stade de La Redoute et j’aime tenir mes promesses.
Après une nuit au gîte à Cilaos, avec Bernard, Ketty, Eric, et quelques coureurs dont Eddy FERRERE un prétendant au podium, nous nous rendons au stade à 5h pour un départ à 6h00. Le café « péi grillé» avalé au lever à jeûn, ne passe pas et je renvoi tout, juste devant l’entrée du stade. Ouf, je respire mieux. Mais pas terrible comme sensation avant une course. Mais j’ai un moral gonflé à bloc et c’est l’essentiel. Mon objectif est vraiment de pendre du plaisir pour cette « petite » balade. Un petit salut à mes coéquipiers de DENIV et à quelques amis puis c’est le départ.
La course
Le compte à rebours n’est même pas fini que les coureurs sont lancés. Je suis toujours surpris de ces sprints affolants pour un départ d’ultra. Les premiers doivent faire du 18km/h. Je cale ma vitesse tranquillement à 12/13 Km/h. Un ou deux regard à côté pour me situer et j’aperçois la belle Maud COMBARIEUX. Elle a un regard bleu vraiment éblouissant en ce début de matinée. Bon, restons concentré. Je tiens ma cadence. Pointage au pied du Taïbit en 31 min au lieu de 40. J’ai vraiment pas l’air d’avoir tirer. Tant mieux, cela me laisse de la marge pour la suite et j’attaque le « monstre » devant moi, sans pression. Tranquille en 53 min. Ma montre Garmin est fixée sur mes temps intermédiaires et cela me permet, par rapport à mon planning, de me réguler. Puis descente vers Marla, cool. Encore 4 min de gagner sur mon prévisionnel. Je suis surpris. Je pointe 44ème. 2 min d’arrêt et je repars. Une petite douleur au dos se réveille. Je décide de faire abstraction à cette petite gène.
Toute la traversée suivante sera un vrai régal. J’aime ce passage après Trois Roches. Ce sentier à flanc de montagne avec la Rivière des Galets qui s’écoule tout en bas. J’arrive à relancer comme je veux et ma foulée est souple. Je recherche le couple de Papangue qui traîne dans les parages généralement, mais ne les vois guère. Avec tous ces fous qui déboulent, ils doivent se faire des câlins un peu plus haut. Trois-Roche-Roche Plate , 42 min au lieu d’une heure. Je suis 25ème. Toujours mes 2, 3 min d’arrêt. C’est le temps qu’il me faut, à chaque fois, pour remplir mon camel-bag. Je me sens bien. Étrange et agréable sensation. Je reste concentré et je fonce vers le cœur de Mafate. Un « brise patte », pour ceux qui ne connaissent pas. Une descente infinissable à faire sur la pointe des pieds, toute en souplesse si vous souhaitez remonter de l’autre côté du cirque. Le premier piège de la course. J’arrive sans casse tout en bas, en me bridant «à mort », moi qui adore pourtant cette folie douce. Montée de la Roche Ancrée : « même pas peur le marmaille ». C’est le deuxième piège. Il fait chaud. Je plonge ma tête dans la rivière en contre-bas. J’y vais tranquille. Quelle mocheté ces marches en béton qu’ils ont fait il y a 2 ans sur la fin du sentier. Le soleil arrive bientôt au zénith et je prends soin de continuer à boire mes 60cl de liquide par heure en plus des 2 à 3 verres d’eau à chaque ravitos. Faut que je fasse attention à mon euphorie. Près de 4h30 de course et c’est généralement juste avant les 5h couru que j’ai des coups de mous.
Grand Place : 14ème. Il y a foule. On est vraiment au centre de Mafate, loin des voitures et de nos tracas au quotidien. Je savoure… Je me sens bien près de cette école et j’y resterai bien. D’ailleurs le gîte, à côté, est à vendre, il paraît. 4min d’arrêt et je repars vers Aurère. J’aperçois Pascal PENOT en balade avec sa chérie. Il est surpris de mon classement et me dit d’aller chercher le TOP10. Je n’y pense pas encore mais lui dit oui mécaniquement.
Je double 2 autres concurrents, dont DAMOUR. Il essaye de me suivre alors je lui mets un petit coup de mou dans une montée histoire de le décourager. Il lâche prise. OK c’est vicieux, je le sais, mais ça fait plaisir. On m’annonce que je suis 8ème. Quel régal. Marrant, ce sont les coureurs du Grand Raid qui me donnent mon classement en s’écartant avec le sourire. Je pense que c’est un jeu pour eux de compter combien de semi-raideur les rattraperont. Et ce sera comme cela jusqu’à la fin. Traversée du sous-bois avant Ilet Bourse, je lâche un cri et m’arrête. Crampe aux quadriceps gauche. Le kiné m’avait prévenu, les contractures reviendront sous forme de crampes. C’était trop beau. Les 2 coureurs me précédant, me redouble alors que je m’étire tant bien que mal à 4 pattes sous un pied de filaos. Il me faudra 5 bonnes minutes avant de repartir. Je sens les contractures présentes dans les 2 cuisses, aussi j’évite de faire des foulées brusques. La fin va être terrible, je le sais.
Au bout de 10 min, je commence seulement à réaliser vraiment que je suis 10ème et une bouffée de chaleur m’envahi jusqu’à me faire verser une petite larme. Je pense à mes 2 petits garçons qui m’attendent au stade. Ils m’ont beaucoup manqué ces derniers temps. 10ème ! j’ai du mal à croire. Je vois mon arrivée à La Redoute, avec mes 2 gamins dans les bras et les cris des spectateurs... Il faut que je me ressaisissent vite. Que l’émotion ne prenne pas le pas sur la course. Que je me re-concentre. Il me reste encore près de 5h de course. C’est pas encore gagné.
Chaque montée sera pour moi un passage délicat où mes jambes se crispent au moindre effort. J’ai réduit ma cadence considérablement mais j’arrive à courir convenablement sur le plat, aussi j’en profite et fait du 10/11km/h. Cela permet dans le même temps de relâcher mes muscles. Les descentes également seront un frein. Il faut que, soit j’accélère, soit je marche très doucement « en canard ». Chaque freinage sollicite les quadris et me donne des crampes.
Objectif de ce fin de course : tenir ma place et ne pas me faire bouffer par l’arrière. J’ai bossé dure cette année en changeant pas mal mon entraînement ainsi que mon «approche» des courses et il faudra qu’ils se battent derrière pour m’arracher mon classement maintenant.
Il fait vraiment beau et le moral tient toujours. Quelle belle journée. Descente vers Deux-Bras pour un massage express de 6 min. Il est 13h05. Je suis en avance sur mon temps de 5 petites minutes. Ce ne sera pas de trop. J’avance à tâtons dans la montée de Dos d’Ane, à la recherche de la marche la moins haute à chaque fois. Mes muscles jambiers m’impressionnent. Ils restent contractés mais je tiens la douleurs. Je relance sur chaque petit plat pour les décontractés. 9ÈME à la sortie du stade de Dos D’âne alors que j’ai pris 1h32 pour grimper au lieu d’1h20. J’ai réussi à courir sur le bitume, déjà ça de gagner. Mais qui a lâché devant ? C’est DAMOUR mais il me redouble dans la montée de Piton Bâtard bien décidé. Il me demande de le suivre pour « chasser » devant. « Mi gagn pa mon coco, allé a ou, é fé a ou plaisir» lui dis-je en lui montrant mes jambes tétanisées. J’arriverai quand même à débouler à grande vitesse après le kiosque d’Affouche. Un petit salut à ma femme, qui s’apprête à terminer son 2ème GRR. Puis je prends le temps de marcher au poste de Colorado. Grosse erreur. Je me fais doubler par LALLEMAND qui me conseille de ne pas m’attarder. Je fonce et je dépasserai Pascal GRONDIN à la dérive, juste après.
Le stade de La Redoute, enfin ! Je finis 10ème au scratch en 11h44. Mon premier TOP TEN.
Je peux enfin embrasser mes 2 petits bouts de choux. Je savoure.
Quelle belle balade que ce fût aujourd’hui au cœur de Mafate.
ÉPILOGUE
J’ai mis 35 minutes de plus que prévu sur mon estimation de temps, tenu jusqu’à Deux-Bras, mais j’aurai signé des 2 mains si on m’avait dit que je serai dans le TOP 10 sur le semi-raid 2009, considérait par la presse, comme le plus relevé de son histoire.
J’ai pris un immense plaisir ce samedi 24 octobre à me promener dans le cœur de Mafate et je suis pressé d’y retourner.
Remerciements :
Merci à Patrick, mon cousin, qui m’a assisté sur ce semi, à mon frère qui m’héberge depuis 2 mois, à ma famille, à mes camarades de club DENIV, au coach LACROIX, aux forumeurs, aux bénévoles du GRR, aux inconnus pour leurs encouragements et surtout aux coureurs qui ont laissé nos sentiers propres en ce beau week-end d’octobre.
Sujet: Balade dans le cœur de Mafate (semi-raid 2009) 
Mar 27 Oct - 15:26
